Abondance

Chaque printemps, les pommiers devant chez moi se couvrent de fleurs. Cela dure deux semaines au cours desquelles l’odeur et la couleur de ces fleurs attirent les abeilles qui viennent y butiner, transportant le pollen de l’étamine au stigmate, favorisant la pollinisation: l’ovule de la fleur fécondée deviendra la pomme.
Ce processus terminé, les fleurs tombent et se déposent délicatement au sol, en un somptueux tapis de pétales roses; on dirait la conclusion d’un grand mariage. Et c’en est un!

Après ces longs mois de froid et de gris, cette opulence colorée fait du bien, même si j’ai un peu de mal à suivre car tout se réveille en même temps: pommiers, rhododendron, herbe, tulipes, fougères, muguet et pissenlits.

Ne serait-ce que visuellement, c’est prodigieux. Et comme j’ai un jardin, j’ai aussi beaucoup à faire.
Auparavant, je m’inquiétais de délaisser l’atelier pour m’occuper du jardin. Comme si l’un allait m’éloigner de l’autre. En fait, l’un nourrit l’autre. Mains dans la terre ou la peinture, taillant une branche ou mélangeant des couleurs, le processus est créatif.

C’est le temps de m’occuper du jardin, et j’avoue y courir avec gratitude. L’air frais, le soleil, le feuillage frémissant au vent, le chant des oiseaux : une grande bouffée d’oxygène et d’espace après trop de temps dans le silence de l’atelier. Peindre y est long et ardu en ce moment, et j’ai besoin de temps pour laisser mûrir les choses.

Alors je me rend à l’abondance qui m’est offerte. Une autre germination se fait qui aboutira quand le temps sera venu.

Louise Jalbert, « Fleurs de pommier au sol » et  » Travail au jardin », 2019, Photographie