Au bout du chemin

Je reviens d’un voyage sur la Côte Nord. Ce voyage, j’en rêvais depuis longtemps, désirant connaître ce coin de pays qui s’étire le long du Saint-Laurent jusqu’au Labrador, aller jusqu’au bout de la route #138 et au delà. Comptez 1250 kilomètres jusqu’à Natasquan, d’un côté l’eau qui brille et de l’autre la forêt, des rivières impétueuses à couper le souffle, autant de roches et de plages, le fond de l’air vif et les moustiques.

C’est vaste et silencieux. L’espace nous ouvre le coeur et les gens du coin en profitent aussitôt pour y entrer, restant longtemps en nous après le retour. De cette distance, j’ai acquis une perspective; les pensées se sont décantées, et j’en suis venue à une décision, celle de faire moins de choses et de les faire mieux.

Et ce que je veux faire mieux, à part l’art essentiel de vivre, c’est la peinture. Pour cela, il faut du temps et de la concentration; c’est pourquoi le blogue continuera désormais de façon ponctuelle. Il permettra de vous faire part d’événements à venir, comme cette exposition de groupe à la galerie Beaux-Arts des Amériques, à laquelle je serai heureuse de participer en novembre. Vous pouvez également me trouver sur Instagram.

Je vous remercie de votre présence au cours de cette aventure des plus stimulantes, et j’espère qu’elle aura su vous apporter un peu de joie sur votre chemin.

« Rivière La Romaine, Minganie », 2019, photo Louise Jalbert
« Sur les roches, Grande Bergeronnes, Manicouagan », photo Guilda Dionne 2019,

Pivoines tombantes

Un dernier dessin de pivoines, fait quand elles s’épanouissent avec un tel abandon que les fleurs, devenues trop lourdes, s’inclinent avec une volupté qui me séduit à chaque fois.

Abandon et volupté sont au coeur de ce que je vous souhaite de vivre pour les prochaines semaines d’été, au gré des élans de ciel jaune et de vent tiède. Au plaisir de vous retrouver à la mi-août avec de nouvelles inspirations!

Louise Jalbert, Pivoines tombantes, 2019, encre sur papier, 2018, 22 x 28 cm

Abondance

Chaque printemps, les pommiers devant chez moi se couvrent de fleurs. Cela dure deux semaines au cours desquelles l’odeur et la couleur de ces fleurs attirent les abeilles qui viennent y butiner, transportant le pollen de l’étamine au stigmate, favorisant la pollinisation: l’ovule de la fleur fécondée deviendra la pomme.
Ce processus terminé, les fleurs tombent et se déposent délicatement au sol, en un somptueux tapis de pétales roses; on dirait la conclusion d’un grand mariage. Et c’en est un!

Après ces longs mois de froid et de gris, cette opulence colorée fait du bien, même si j’ai un peu de mal à suivre car tout se réveille en même temps: pommiers, rhododendron, herbe, tulipes, fougères, muguet et pissenlits.

Ne serait-ce que visuellement, c’est prodigieux. Et comme j’ai un jardin, j’ai aussi beaucoup à faire.
Auparavant, je m’inquiétais de délaisser l’atelier pour m’occuper du jardin. Comme si l’un allait m’éloigner de l’autre. En fait, l’un nourrit l’autre. Mains dans la terre ou la peinture, taillant une branche ou mélangeant des couleurs, le processus est créatif.

C’est le temps de m’occuper du jardin, et j’avoue y courir avec gratitude. L’air frais, le soleil, le feuillage frémissant au vent, le chant des oiseaux : une grande bouffée d’oxygène et d’espace après trop de temps dans le silence de l’atelier. Peindre y est long et ardu en ce moment, et j’ai besoin de temps pour laisser mûrir les choses.

Alors je me rend à l’abondance qui m’est offerte. Une autre germination se fait qui aboutira quand le temps sera venu.

Louise Jalbert, « Fleurs de pommier au sol » et  » Travail au jardin », 2019, Photographie

Le tilleul au début du printemps

Je regarde beaucoup les arbres. Ceux qui vivent près de chez moi, particulièrement s’ils sont devant mes fenêtre, deviennent avec le temps une présence familière dans la vie de tous les jours. Ils semblent immuables et pourtant ils changent un peu chaque jour, comme nous.
Pendant presque dix ans, j’ai observé ce grand tilleul au gré du temps et des saisons. Il donnait sur mon atelier. En été, son odeur embaumait le jardin et en hiver, le port de ses branches chargées de neige était majestueux. Le voici en esquisse, au tout début du printemps.

Louise Jalbert, Le tilleul, début de printemps, 2004, gouache sur papier, 30.5 x 22 cm

Orange

J’ai pensé qu’un peu de couleur ferait du bien aujourd’hui. Cela m’a donné envie de revoir cette oeuvre issue d’une série intitulée Orange, dont le propos était d’explorer la couleur orange et l’énergie qui s’en dégage.

Louise Jalbert, « Orange devenant sanguine« , Série Orange, 2008, Acrylique sur toile, 40 x 50 cm. Photo Guy L’Heureux

L’art au quotidien

L’art est une expression naturelle de notre être. C’est une impulsion de répondre à un mouvement intérieur, intuition ou émotion, et de lui donner forme. Je pense que chacun de nous sans exception a ce désir de créer, auquel il peut choisir de répondre.

Que ce soit un passe-temps ou l’oeuvre d’une vie, ce que l’on crée prend toujours une forme qui nous est propre. C’est une expérience unique que de chanter, de bricoler ou de cuisiner, qui ne se répète jamais de la même façon. On a souvent envie de partager cette expérience, mais au départ, on ne le fait pas pour les autres. C’est plutôt un élan spontané: une forme d’amour.

Cela peut prendre toutes sortes de proportions, à toutes sortes de niveaux, mais le désir est le même. Quoique certain d’entre nous volent plus haut que d’autres.

Ces temps-ci, j’écoute beaucoup la musique de Franz Schubert, particulièrement ses compositions au piano qui me vont droit au coeur. Pourquoi Schubert, direz-vous? Et pourquoi maintenant? Je ne saurais encore le dire; les mots me manquent et je préfère à l’analyse le bonheur de me laisser emporter par les sons.

Parmi les nombreux et brillants interprètes de Schubert, la pianiste Maria Joao Pires me touche particulièrement. Son jeu tout en finesse est imprégné de poésie, avec une grande profondeur d’émotion. Comme si un petit oiseau était passé au fond de moi, remuant l’air de ses ailes, et que soudainement, je pouvais respirer à nouveau.

Cette grande pianiste n’est pas qu’une artiste ou plutôt, elle est une telle artiste, parce qu’elle a aussi profondément réfléchi à la vie, et qu’elle porte la même attention sur tout ce qu’elle fait. Je lui laisse donc le mot de la fin:

« Je ne crois pas à l’art en tant que quelque chose qui soit pour les gens riches ou pour les gens talentueux, ou encore pour les grandes salles de concert ou les grands musées. Je crois plutôt à l’art de tous les jours, au quotidien, qui fait qu’on met vraiment tout de soi dans ce qu’on fait, faisant les choses bien, avec beauté, vous savez. »
Maria Joao Pires

 

Tapisserie d’écorces en aquarelle

Dans le cadre de mon exposition solo Le nez dans l’herbe, au printemps 2017, j’ai assemblé sur un mur un groupe de peintures d’écorce.

J’avais alors développé cette série d’études d’écorce à l’aquarelle, tout comme des études d’herbe, de feuillage et d’eau. Chacun de ces thèmes me fascinait et m’inspire toujours, par l’infinie variété de rythmes et de couleurs qui les animent.

La subtilité et la sobriété des tons sur les écorces se révèle encore mieux à grande échelle. Comme le propos de ces oeuvres est de mettre le visiteur en contact avec l’aspect sensoriel de la nature, j’ai voulu en tapisser tout un mur afin de favoriser cette sensation.

 

 

Une étape de la réalisation de ces aquarelles, au moment où je composais l’ensemble dans mon atelier.

 

 

 

 

 

 

J’étais contente du résultat (sourire à l’appui)
Cette expérience fut une étape importante dans la recherche que je poursuis toujours vers une expression évocatrice et sensorielle de la nature.

 
Louise Jalbert, « Tapisserie d’écorces », 2018, Aquarelle sur papier, 167 x 303 cm

Écorce et dénuement

De temps en temps, j’aime revenir à une impression de dépouillement, mettant de côté le superflu, et tout le fatras de nos vies complexes et agitées. Le dénuement de la nature en hiver m’y incite, comme un ami qui aurait choisit une vie monastique.

Pour je ne sais quelle raison, l’écorce des arbres me donne cette impression de grande simplicité. Peut-être parce que c’est le seul ornement qui reste aux arbres une fois les feuilles tombées, ou serait-ce plutôt la palette tout en retenue des tons bruns et gris?

Pourtant, en observant de plus près un seul pan d’écorce, je vois tout un monde: élaboré dans sa matière, riche en textures, et de nuances variées. Sobre, certainement. Mais aussi accidenté, rude, protecteur et si discrètement séduisant.

À bien y regarder, la très humble écorce est une invitation à bien voir.

Louise Jalbert, Grande écorce no 7, 2017, aquarelle, 55 x 75 cm

Parfums

Le kaléidoscope de couleurs qui illuminait les arbres s’est maintenant déposé au sol, tapissant les rues et les parterres de nuances d’orange passé.
Avec ce dernier acte joué par les feuilles, c’est tout un cycle de vie qui s’achève à nos pieds. Je vois de l’élégance et de la grâce dans cette beauté aérienne qui se dépouille en un si somptueux abandon.

En se desséchant, les feuilles apportent un effet de légèreté et de bruissement sur l’asphalte. Sous mes pas, elles exhalent un parfum d’humus, remuant des souvenirs d’enfant qui joue dehors dans l’air vif de l’automne.

Et dans ce qui est familier peut se révéler une part de grandeur et de mystère.

Photo : Louise Jalbert, 2018

Étude à la gouache

J’ai fait cette esquisse à la gouache de mes enfants quand ils étaient petits. Ce genre d’étude de couleur est à la base de ma pratique depuis les tout premiers débuts.

Je peins beaucoup la nature, puisqu’elle est sous mes yeux, et qu’elle m’enseigne beaucoup. Mais j’aime aussi peindre des gens, et j’ai envie de m’y remettre. Si vous avez envie d’une pause apaisante dans votre horaire chargé, faites moi signe, je suis à la recherche de modèles.

Louise Jalbert, Enfants regardant la télévision, 1995, gouache sur papier, 14 x 21 cm